Arthur Rimbaud et l’Alchimie du verbe



Dans le cadre des conférences du Club Arts et Rencontres,
Christian MALAPLATE a présenté
le samedi 16 mars 2024 à l’Espace Jean DUFFART dans la salle « l’Oustau »
« Arthur RIMBAUD et l’alchimie du verbe »
devant un public intéressé et attentif .


Arthur RIMBAUD L’alchimie du Verbe

Françoise PLECHE, Présidente, accueille et présente Christian MALAPLATE.

(En savoir plus sur le conférencier :https://www.occitanielivre.fr/annuaire/malaplate-christian)
(Ci-après le texte de la conférence aimablement donné par Christian MALAPLATE)


Arthur RIMBAUD L’alchimie du Verbe

Arthur RIMBAUD est né le 20 octobre 1854 à Charleville. Son père capitaine d’infanterie d’origine provençale épris d’aventures militaires se trouve en Crimée au moment de la naissance de son fils. Sa mère orgueilleuse bourgeoise, autoritaire, élève seule ses enfants.Arthur RIMBAUD est perturbé : d’abord par le manque d’affection paternel et ensuite par la nature très sévère de sa mère. Arthur RIMBAUD étouffe et tout naturellement il pense à son père aventurier. Il hérite de l’humeur vagabonde de son père.

A l’école Arthur RIMBAUD est un bon élève et remporte beaucoup de succès scolaires. Il obtient à 15 ans le premier prix de vers latins au concours académique.

Un jeune professeur de lettres Georges IZAMBARD, aux idées révolutionnaires le prend en amitié, et lui fait lire les poètes de son époque, des auteurs socialistes, des écrivains du 18ième siècle. Il lui fait partager son enthousiasme républicain et l’encourage à écrire.

Arthur RIMBAUD a fait déjà deux fugues quand éclate la guerre de 1870 entre le France et la Prusse.  Pourquoi cette envie de fuir ?

Il étouffe dans sa famille comme dans sa petite ville. Il veut de l’espace.

De retour à Charleville, il se met à fréquenter assidûment la bibliothèque de la ville. Mais l’envie d’espace le reprend. Il fait une fugue jusqu’à Paris où il passe une quinzaine de jours, mais sans argent, il rentre à pied jusqu’à Charleville, en couchant dans des granges, au clair de lune, au bord de l’eau, dans des hospices. Il affiche ses sentiments communards. Il retourne à Paris pendant la commune et s’engage dans les corps francs.

La commune de Paris est une tentative révolutionnaire entre le 18 mars et le 27 mars 1871, faite par les milieux ouvriers pour assurer dans un cadre municipal et sans recours à l’état, la gestion des affaires publiques.

L’accent de passion qui anime RIMBAUD à seize ans est une douloureuse exploration de l’inconnu. Il écrit des poèmes rageurs. Son esprit d’indépendance se fait de plus en plus agressif.

En 1871, il échange une correspondance avec Paul VERLAINE. Et quelques jours après RIMBAUD arrive à Paris appelé par VERLAINE qui lui avait écrit : « Venez chère grande âme, on vous appelle, on vous attend. »

On a beaucoup écrit sur cette rencontre. Elle a fait beaucoup couler d’encre.

Arthur RIMBAUD apporte le poème Le bateau ivre. Cette rencontre devient rapidement une intimité sans restriction. C’est dès lors l’infernal déroulement de leurs relations scandaleuses et le jeu, plus subtil, mais non moins profond des influences réciproques. Ils partent vivre en Belgique, en Angleterre. Ils veulent refaire le bonheur par-delà le bien et le mal. Ils mènent une existence misérable, d’incessantes querelles qui aboutissent au paroxysme de juillet 1873 : à Bruxelles VERLAINE blesse son compagnon d’un coup de revolver. VERLAINE est emprisonné et il est condamné à deux ans de prison.

Que devient RIMBAUD ?

Il est désespéré. Il achève d’écrire Une saison en enfer. Il reprend sa vie d’errance, cette envie d’espace et de changer de vie. En 1874, il est à Londres en compagnie du poète Germain NOUVEAU.  Cette rencontre avec Germain NOUVEAU apporte à Arthur RIMBAUD un certain apaisement. Durant ce séjour à Londres Arthur RIMBAUD met à jour Les illuminations.

De retour en France RIMBAUD est repris par l’envie d’espace. Il est précepteur à Stuggart. Il chasse VERLAINE venu le convertit à sa foi religieuse. Puis RIMBAUD reprend ses errances, traverse à pied le Wurtemberg, la Suisse, l’Italie. Malade à Milan, il s’arrête ; Puis il repart pour Brindisi où il est frappé d’insolation. Il est rapatrié. Le voilà de nouveau à Charleville où il étudie l’espagnol, l’arabe, l’italien, le hollandais après avoir connu le latin, l’anglais et l’allemand. Il reprend à nouveau ses errances. Il est interprète dans un cirque. Il parcourt l’Allemagne, le Danemark, la Suède. Il s’engage dans l’armée coloniale hollandaise pour toucher la prime, puis au bout de quelques semaines,  il déserte revient à Bordeaux, rejoint Charleville à pied. Plus tard on le trouve débardeur au port de Marseille. Il s’embarque pour Alexandrie, mais malade il est rapatrié à Charleville. Il repart à nouveau, infatigable marcheur, vagabond amoureux des pleines lunes, des aubes enchanteresses, des étendues aux milles couleurs, des coins de feu au hasard des routes, de tout ce monde qui ne parle pas, mais qui bouge tout le temps.

L’homme aux semelles de vent dans l’embrasement de la voûte céleste c’est ainsi que je le définis.

A Hambourg, il essaie de s’embarquer pour l’orient sans succès. Alors il traverse à pied les Vosges, la Suisse, l’Italie du Nord,. Il arrive à Chypre où il devient chef de chantier. Nous perdons un peu sa trace. Puis nous le retrouvons en Égypte, à Aden au Yémen, et il s’installe à Harrar en Abyssinie.

Pendant plus de 10 ans Arthur RIMBAUD mènera la vie d’un commerçant un peu trafiquant, un peu explorateur comme on l’est alors dans cette partie du monde. Il lit des ouvrages techniques. Il fait des rapports pour la Société de Géographie. Il conduit des caravanes dans le désert.

En France, son œuvre commence à être connue. Grâce à Paul VERLAINE  qui dans son livre / Les Poètes Maudits fait une longue étude sur la poésie de RIMBAUD. Aussitôt s’établit sa légende.

En février 1891 il est atteint d’une tumeur au genou droit. Il reste alité. L9 mai il est rapatrié à l’hôpital de Marseille où on l’ampute de sa jambe. Il retourne à Charleville mais le mal s’aggravant il revient à Marseille avec sa sœur Isabelle. Le 10 novembre 1891 à l’âge de 37 ans Arthur RIMBAUD meurt.

1- Roman

La violence intérieure de l’adolescence, l’absurdité de la guerre, la révolte de la commune, font soudain s’épanouir mieux exploser le plus singulier génie poétique. Arthur RIMBAUD passe à 16 ans du climat enfantin de l’école et de l’école buissonnière à l’exaltation de l’aventure. Il vit ses poèmes où brille l’innocence d’un regard neuf porté sur le monde.

Le temps de sa liaison avec VERLAINE sera pour lui le temps de la poésie, celui des plus audacieux espoirs, celui aussi pour finir du désespoir. Une vie et un génie brûlés en trois ans et issu de ce feu une œuvre brève, mais chargée d’une révolution spirituelle dont l’efficacité demeure inaltérée. Puis le silence si abrupt et si total. Le poète est mort à 19 ans que sait-on de l’homme en fait qui lui a survécu ? L’énigme de cette dualité a donné jour à bien des mythes intéressants et contradictoires.

Le poète est l’annonciateur de toutes les libertés : celle de la femme et de l’amour. Il dit :

« L’homme est à réinventer quand sera brisé l’indéfini servage de la femme. »

2- Sensation

RIMBAUD est impatient de se libérer et de libérer l’homme de tous les préjugés, de toutes les insuffisances, de retrouver en lui une pureté sauvage égale à celle des éléments. Il est un de ces êtres qui ne sont jamais satisfaits de l’existence telle qu’ils sont condamnés à la vivre. Ils projètent leurs désirs dans un monde plus pur, plus intense et plus beau.

Il garde en lui une force sauvage. Mais dans cette âme forte, il y a place pour de la fraîcheur et de la spontanéité enfantines. Parfois il prend sur lui toute la souffrance du monde, et c’est là que réside le tragique de sa vie, et bien entendu de son œuvre. C’est une émotion qui l’étreint et qui devient un besoin de se sacrifier. C’est aussi une étrange attirance vers la mort. Le poème Ophélie porte ainsi les couleurs du poète.

3- Ophélie

RIMBAUD dit que « Les activités du monde moderne ne reposent que sur l’argent, l’utile, la rentabilité, alors que c’est la beauté, ce sont les fleurs qui comptent. »

RIMBAUD est un esprit militant, il dénonce. Il fait une critique sociale comme dans ce poème :

4- Les effarés

Une allégresse, une jeune impatience, une innocence résonnent même au sein du combat. RIMBAUD est un rêveur, un peu grisé, dans ce poème :

5- L’étoile a pleuré rose

Certains poèmes de RIMBAUD ont une allure de chanson, par leur légèreté, la vitesse, la vivacité extrême sont leurs privilèges.

6- Rêvé pour l’hiver

La guerre éclate RIMBAUD part sur les routes à pied. Il sent grandir en lui la révolte, les revendications politiques et sociales. Il s’arrête et dans l’embrasement d’un trou de verdure, il prie la nature de réchauffer ce jeune dormeur du val.

7- Le dormeur du val

Dans ce poème de l’errance vagabonde dont la tradition va des trouvères du  Moyen-Age aux modernes hippies RIMBAUD l’appelle fantaisie en sous-titre :

8- Ma bohème

Le poème Le bateau ivre d’Arthur RIMBAUD est en soi odyssée, époque, aventure.

Pour RIMBAUD : « La poésie ne rythmera plus l’action, elle marchera en avant. »

Comme VERLAINE pareil à la feuille morte ballottée au gré du vent mauvais RIMBAUD est ce bateau jeté au sort des flots, dont il s’enivre, et où il se perd. Aucun poème n’a cette puissance évocatrice du Bateau ivre, aucun poème ne charrie autant d’images et des combinaisons sonores, ne s’arrachent autant à la forme dans laquelle il est fixé. Ce poème est violent et baroque, barbare et somptueux, contrasté avec ses images d’espace fermé et d’évasion, de grandeur et d’abandon. Il dit ce qu’il y a de plus déchirant dans la condition humaine.

9- Le bateau ivre

UNE SAISON EN ENFER

RIMBAUD est le siège d’une dualité constante : relatif et absolu, pureté et souillure, instant et éternité, innocence et culpabilité, individu et société, plénitude des sens et extase de l’âme, domination et soumission, barbarie et progrès, révolte et châtiment. Il veut saisir :

« La vérité dans une âme et dans un corps. »

En 1873 Arthur RIMBAUD écrite Une saison en enfer et publie l’œuvre à Bruxelles la même année. L’édition est à compte d’auteur. Le poète condense son expérience existentielle, poétique et spirituelle, exprime les oppositions internes, les échecs, les tâches : réinventer l’amour, réinventer la poésie, credo de l’avenir.

Une saison en enfer montre l’acheminement du poète vers la connaissance de soi par l’affranchissement des tutelles, par le combat spirituel solitaire et douloureux.

C’est l’annonce d’une autonomie de la poésie, de sa valeur comme mode de connaissance, comme contact direct avec le monde.

RIMBAUD se dépeint avec une fausse simplicité pour mieux nous entraîner dans des dédales énigmatiques. E auprès de phrases jetées comme des insultes, des phrases apaisées qui semblent traduire des silences, des harmonies graves, des trouvailles de grand prosateur :

« Au matin j’avais le regard si perdu et la contenance si morte, que ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu… » Et le poète continue : « Je devins un opéra fabuleux, je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur ; l’action n’est pas la vie, mais une façon de gâcher quelques chose, un événement. La morale est la faiblesse de la cervelle. »*

Une saison en enfer est une œuvre composée de fragments, de débris d’œuvres de poèmes non menés à terme, mais qui sont liés par le drame intime, les dévoiements, les conversions manquées, les recherches de la raison, les chutes, la nuit, les yeux vers l’étoile, la force du sol.

Une saison en enfer s’achève sur un émouvant Adieu. Parvenu au seuil de la démence, usé des excès de toute sorte, RIMBAUD se livre à un douloureux retour sur lui-même. Cet orgueilleux conçoit maintenant le prix de l’humilité, ce révolté aspire à une communion humaine.

11- Alchimie du verbe

LES ILLUMINATIONS

L’œuvre Les Illuminations paraît quelques années après Une saison en enfer. Arthur RIMBAUD les a écrits entre 1872 et 1875.

Les Illuminations représentent la synthèse d’une expérience. Sur l’arbre de sa vie, le poète greffe les sensations de la fiction et les reflets métamorphosés des lectures, des errances solitaires ou partagées. Il éclaire ses confessions à la lumière poétique. Il transpose symboliquement les lieux et les êtres sur lesquels il tente une percée intérieure profonde.

Sa syntaxe s’articule sur l’affectivité et la réalité. Pionnier de l’avenir, il voit plus que tout autre ce qui est en nous ancré, et il se voit explorant des labyrinthes incessants, des univers hors des habituelles données du temps et de l’espace. De ses émotions apparemment désorganisées, il se fait l’orchestrateur.

12- Matinée d’ivresse